En direct du Salon International du Bourget 1993
Ouvert le 11 juin, la quarantième édition du Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace doit s’achever le 20 juin prochain. C’est sur fond de crise mondiale qu’a lieu cette année l’événement. Cela n’empêche pas le Le Bourget de maintenir son rang avec un peu plus de 1.500 exposants contre 1.700 en 1991 et d’être le théâtre de grandes premières comme à l’accoutumé.
Comme souvent depuis quelques temps déjà, Airbus marque de son empreinte la manifestation en présentant trois nouveaux appareils, du jamais vu pour un avionneur. C’est l’Airbus A321 qui ouvre le bal. Présenté au statique et en vol, le prototype[1] est le dernier né de la famille des single-aisle. Il a déjà un petit frère en la personne de l’A319[2] puisque Jean Pierson, administrateur-gérant du GIE, annonce officiellement à la presse le lancement de ce nouvel avion qui doit concurrencer les Boeing 737-300 et MD-87.
Il est temps de quitter la famille des monocouloirs,pour rejoindre des machines qui se déclinent au superlatif: l’A330-300, le plus gros bimoteur au monde et l’A340, le long-courrier doté de la plus grande distance franchissable. Et il le prouve en renouant avec une tradition que l’on croyait perdu, celle des records. Du 16 au 18 juin, un A340-200 baptisé “World Ranger”[3] effectue un tour du monde, au départ du Bourget, de 38.258 km en 43 heures et 17 minutes avec une seule escale à Auckland. Quatre pilotes maisons se sont relayés aux commandes durant ce périple: Bernard Ziegler, directeur de l’ingénierie, Pierre Baud, directeur des essais en vol, Gérard Guyot, pilote et chef ingénieur navigant d’essais et Nick Warner, pilote d’essais. Il rapporte dans leur bagage un maillot de l’équipe des All Blacks qu’ils ont échangé contre un ballon de rugby dédicacé par l’équipe de France.
Les concurrents américains d’Airbus sont plus discrets. Phil Condit, le nouveau patron de Boeing, a certes fait le déplacement mais sans réserver de scoop. L’avionneur de Seattle est simplement représenté par un Boeing 737-300 QC[4] aux couleurs de l’Aérospostale. Son homologue de Saint-Louis, McDonnell Douglas profite du salon pour donner le coup d’envoi au Bourget d’une grande tournée de promotion de son nouveau bimoteur MD90, évolution du MD80, lui-même issu du DC-9 datant des années 60.
S’il faut trouver des nouveautés côté aviation commerciale, c’est bien à l’Est qu’il faut se tourner. Les russes sont venus en force à Paris avec près d’une trentaine d’appareils dont le long-courrier quadriréacteur Ilyushin IL-96M[5] et le moyen-courrier Tupolev 204-120, équipé de réacteurs Rolls Royce et d’une avionique Collins.
L‘édition 1991 du Salon avait vu l’impressionnant défilé d’appareils militaires, guerre du Golfe oblige. Il n’en est pas de même cette année. Côté USAF, AV-8 B Harrier, F-15 et F-18C sont bien exposés au statique mais seul le F-16 décolle chaque jour et ce n’est pas vraiment une nouveauté. Qu’à cela ne tienne, les spotters se rabattront sur le prototype du Dassault Rafale monoplace Air C01 dont les deux réacteurs SNECMA M88 rugissent quotidiennement dans le ciel parisien. C’est enfin l’impressionnante flotte russe qui apporte des sensations fortes aux spectateurs, avec les démonstration des MiG-29, MIG-31 et Sukhoi 27, auxquels il faut ajouter l’hélicoptère Kamov Ka-50[6], aux allures de requin.
Dans ce domaine, Eurocopter n’est pas en reste car pour la première fois au Bourget, la société franco-allemande dévoile le duo Tigre/Gerfaut. Les deux prototypes d’hélicoptères de combat répondent pour le premier aux besoins de lutte antichar, d’appui/protection pour le second.
Revenons aux voilures fixes pour évoquer le marché des commuters. Celui-ci est bien morose. Le GIE franco-italien reste le leader des avions régionaux de plus de 40 places, mais cherche un second souffle. Peut-être viendra-t-il d’un ATR 42-500[7], dont le lancement doit être annoncé au cours de la quinzaine parisienne. Un hypothétique ATR-82 tente de se dégager un avenir, encore bien incertain. Ce dernier pourrait venir d’une coopération. La rumeur enfle d’une possible alliance avec le suédois SAAB, mais Dornier semble également bien placé.En attendant, ATR présente ces deux best-sellers en vol conjoint, l’ATR 42-300 et le 72-200.
Appel d’offre pour le futur avion d’entraînement des forces aériennes américains[8] oblige, tous les candidats potentiels sont présents au Bourget. Hélice ou jet? Le suspense reste entier. A côté des habitués que sont le Pilatus PC-9 ou le brésilien EMB-312 Tucano, deux petits nouveaux font leurs débuts: l’argentin FMA Pampa 2000 et le FanRanger de Dornier Aerospace et Rockwell. La publication du cahier des charges est attendue pour la fin de l’année et la signature du contrat, d’une valeur de six milliard de dollars, dans deux ans, soit pour le prochain salon!
Du côté de l’espace, l’abandon de la navette Hermès en Novembre dernier à laissé l’Europe orpheline d’un vaisseau spatial capable d’emporter des hommes vers la future station spatiale internationale. Si bien que toute les énergies peuvent se concentrer sur le lanceur Ariane IV qui poursuit sur une série record de vingt lancements réussis d’affilée. Quant à son successeur, Ariane V, dont le développement s’intensifie, il s’affiche en vraie grandeur entre le deuxième et troisième étage de la Tour Eiffel, sur laquelle une gigantesque toile de 54 mètres de hauteur a été déployée.
[1] L’A321-131 (MSN 364) a volé pour la première fois le 11 mars 1993.
[2] L’annonce n’est pas une surprise totale puisque six exemplaires de l’A319 (plus deux options) ont déjà été commandés par le loueur ILFC fin 1992.
[3] MSN4.
[4] QC pour Quick Change
[5] Le IL-96 MO est développé en coopération avec Pratt & Whitney et Rockwell Collins.
[6] Le Kamov Ka-50 (code OTAN Hokum) est le seul hélicoptère d’attaque monoplace au monde. Il est doté de rotors contrarotatifs et d’un siège éjectable.
[7] L’ATR 72-500 doit recevoir un nouvel aménagement cabine. Il disposera d’un rayon d’action supérieur et une masse maximale au décollage plus élevée, le tout supporté par de nouveaux turbopropulseurs Pratt & Whitney PW127.
[8] Cette compétition dénommé Joint Primary Aircraft Training System JPATS vise le renouvellement d’un parc de plus de 760 avions pour l’USAF et 350 pour la Navy.